jeudi 20 février 2020

#HistoiresExpatriées : La joie

J'inaugure une nouvelle catégorie aujourd'hui en participant pour la première fois à #HistoiresExpatriées, un rendez-vous mensuel créé par Lucie du blog L'Occhio Di Lucie qui propose à des blogueurs de traiter un thème différent chaque mois. En ce mois de février, les marraines sont Amélie et Laura du blog Ciccia & Cerva, toutes les deux expatriées à Turin, en Italie.



Le thème de ce mois, c'est la joie. Un thème qui ne pouvait pas mieux tomber pour ma première participation. La joie, c'est le sentiment qui m'habite le plus depuis mon arrivée au Caire en octobre dernier.

A vrai dire, je me sens presque atteinte d'une maladie étrange. Je ressens une sorte d'euphorie en quasi-permanence, et cette sensation me fascine de jour en jour. Pourquoi donc suis-je tellement heureuse ici, plus qu'avant, plus qu'ailleurs ? Creusons un peu.

Le rêve 


Je ressens d'abord une joie immense d'avoir accompli un vieux rêve. L'Egypte, c'est la fascination de la jeune Emilie de 13-14 ans, quand elle était encore au collège et qu'elle mémorisait les noms des dieux antiques ou expliquait à qui voulait l'entendre la géographie des plus célèbres villes et temples de l'empire égyptien. J'ai forcément eu envie de venir ici, mais mon désir d'Egypte a été naturellement supplanté par la découverte du Japon, qui a pris une place énorme dans ma vie. Je n'ai cependant jamais abandonné cette vieille envie de voir l'Egypte et je n'ai jamais oublié tout ce que j'en avais appris. Ce pays a continué de me fasciner "en arrière-plan", et j'attendais patiemment la bonne occasion de franchir le cap. J'ai failli venir faire un stage au Caire en 2012, mais à cause de la révolution qui venait d'y avoir lieu j'ai jugé plus sage de ne pas tenter l'aventure. J'ai rongé mon frein pendant encore plusieurs années avant de tomber sur cette offre providentielle, de candidater et d'être sélectionnée. Ça a commencé comme une blague, et cette idée qui ne semblait pas si sérieuse est devenue la plus aventureuse de mes décisions jusqu'ici. Me voici enfin à vivre en Egypte, et il est probable qu'une petite vingtaine d'années à adorer discrètement, secrètement ce pays pour son histoire millénaire ne soient pas étrangères à la joie que je ressens ici.

Des pharaons aux califes



L'une des premières raisons à ma joie d'être en Egypte, c'est donc sa formidable histoire. L'émotion que me procure chaque visite de monument ancien, de vestige d'une époque si lointaine, est difficile à décrire. C'est toujours fou de se dire que c'est encore là, témoin de ce que les hommes ont cru, pensé, voulu laisser. Un défi au temps qui passe que les anciens Égyptiens ont réussi à relever. 
Mais ce serait se fourvoyer que de voir ce pays à travers le seul prisme de sa plus ancienne civilisation. Après être passée par plusieurs étapes différentes, elle est depuis devenue une terre musulmane, un berceau de spiritualité qui offre au regard ses anciens palais et une profusion de mosquées d'époques diverses, dont les minarets ciselés façonnent le paysage d'une manière qui me plaît beaucoup. Le paysage de l'Egypte moderne, et surtout au Caire, bien que souvent bruyant et passablement laid par endroits à cause de ses immeubles aux couleurs fades qui se ternissent encore plus au fil du temps, à cause aussi de ses embouteillages infinis et de son désordre apparent, offre pourtant de petits trésors d'architecture au détour des rues. Et c'est devenu un passe-temps pour moi de partir à leur recherche.



Le travail

Ma vie au Caire est rythmée par un quotidien incroyablement "banal", centré principalement autour de mon travail. Je suis professeur de français dans un institut de langue militaire, et je donne cours environ 4 heures par jours du samedi au mercredi. Je consacre énormément de temps et d'énergie à ma profession, car je passe aussi beaucoup de temps à préparer mes cours à la maison. Il arrive très souvent que, bien que finissant à 14h40 chaque jour, je rentre docilement à la maison, fasse une petite sieste et me dévoue à la préparation de cours ou d'autres missions pédagogiques jusque tard dans la soirée - en procrastinant un peu ou beaucoup en même temps, naturellement. 
Et pour tout dire, cela me convient parfaitement. J'adore ça. Je me suis rendu compte récemment que mon métier était le baromètre de mon état d'esprit général : quand je suis heureuse et sereine au travail, je le suis dans le reste de ma vie. Je pense que le moteur principal de tout cela, c'est cette envie fondamentale de transmettre tout ce que je peux à mes étudiants, et à créer un rapport équilibré dans lequel ils apprennent autant que j'apprends d'eux. Et il se trouve que mes étudiants égyptiens sont parmi les étudiants les plus intéressants que j'aie eu l'occasion d'avoir. Ils m'apportent une énergie démesurée et c'est un immense plaisir de résoudre avec eux les mystère de la langue de Molière, complexe mais jamais totalement hors de leur portée grâce à leurs très bonnes capacités. J'aurai l'occasion d'en reparler.

La joie des Égyptiens 


Comment ne pas se sentir bien et heureux dans un pays où les gens ont le sourire aux lèvres presque toute la journée et affrontent les éventuelles difficultés avec un humour à toute épreuve ? 
Les Égyptiens sont réputés pour leur capacité à plaisanter très facilement sur tous les sujets de la vie, alors même que pour beaucoup d'entre eux dans ce pays la vie est loin d'être simple. Bien sûr, en habitant dans la capitale, je ne suis pas confrontée à tout ce que cette phrase signifie, mais j'en ai eu une petite idée au fil de mes voyages en dehors du Caire. 
Au quotidien, les sourires et les blagues de mes collègues et amis sont irrésistibles et communicatifs. Je suis persuadée d'être devenue bien plus blagueuse qu'avant depuis que j'habite ici, et je suis contaminée par leur bonne humeur. 
J'ai eu l'occasion de rencontrer d'autres personnes en dehors du travail, bien sûr, et j'ai même eu le privilège de passer un week-end à la campagne chez une famille égyptienne. On vous dira peut-être que les Égyptiens, en plus d'être d'un tempérament joyeux, sont d'une générosité incroyable. Sachez que ceci est un doux euphémisme - et ça aussi, il faudra que j'en reparle. Il y a aussi un aspect qu'il est important de mentionner : une écrasante majorité des Égyptiens accorde une très grande importance à la foi dans leur vie, et cela transparaît dans leur attitude et leurs actions : leur forte spiritualité façonne leur façon d'être et leur philosophie de la vie, et leur grande générosité est renforcée par cela.
Une chose est sûre : ça fait un bien fou d'être au contact de gens comme ça.

En musique !


En Egypte on aime chanter et danser ! Pour s'en convaincre, il suffit de déambuler dans les souks, les cafés populaires ou simplement passer à côté d'un magasin quelconque ou d'un groupe de jeunes dans la rue. On entend souvent la musique orientale à fond dans les voitures qui passent. Les morceaux anciens comme modernes sont rythmés par les percussions comme la tabla  (darbouka égyptienne) et sont irrésistiblement dansants. Beaucoup de mes collègues fredonnent régulièrement au travail et certains sont de vrais pros de la chanson orientale. 
Dans le métro, surtout le matin, la radio est diffusée par intermittence dans les stations et des chansons modernes se font entendre jusqu'aux quais, ce qui fait qu'il m'est impossible de partir travailler déprimée !


Le contraste


Pour finir, je dois replacer les choses dans une certaine perspective. Il faut savoir que je viens de passer deux ans au Japon avant de venir en Egypte. Je vivais dans des conditions bien différentes d'ici, et j'y ai évidemment vécu des expériences formidables et je n'ai qu'une hâte : y retourner bien vite. Mais avec le recul je me rends compte d'une chose : le rythme de travail au Japon m'avait quelque peu essoufflée. J'avais moins cette flamme qui m'habite aujourd'hui quand je fais cours. J'avais aussi plus de doutes et d'incertitudes. J'avais aussi, peut-être, envie de quitter un moment le côté prévisible et bien organisé de la vie à la japonaise, d'autant plus que je sais que je vais y revenir pour quelques temps dans le futur. Maintenant je crois pouvoir dire que j'avais besoin de cette grande différence, de ce contraste entre le Japon et le pays dans lequel je vis maintenant : le désordre, la gaieté affichée, la débrouillardise, l'aventure. Et aussi, surtout, une charge de travail moins importante qui me permet de donner le maximum. 

En résumé, l'Egypte m'apporte pour l'instant une joie immense qui me laisse déjà penser que la quitter en juin prochain ne sera pas chose facile... 
Alors je continue d'en profiter jusqu'au bout.


Cet article vous a plu ? Alors allez jeter un oeil à toutes les participations du mois répertoriées ici en fin d'article !

3 commentaires:

  1. Merci pour ce bel article et bienvenue dans les rv Histoires expatriées ! J'ai juste fait une escale de quelques heures au Caire il y a longtemps, le temps d'apercevoir les pyramides mais je rêverai de venir visiter ces lieux mythiques.

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  2. Contente que tu te sois lancée dans ce rdv de blogueuses et ravie de lire que l'Egypte te réussisse si bien ! :)

    Il y a longtemps ma grand-mère avait visité l'Egypte, dont le Caire, elle en garde un bon souvenir et je me souviens toujours de son anecdote ou pendant la visite d'une pyramide, le guide de son groupe s’était perdu, ils avaient marché des heures avant de retrouver la sortie.

    Eva

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  3. Superbe récit, j'ai adoré te lire du début à la fin et cette joie que tu transmets dans ton texte, donne le sourire. Au sens propre du terme, je suis arrivée au bout de l'article, je souriais!
    Ca valait finalement le coup d'attendre pour vivre cette expérience et je te souhaite de profiter pleinement de cette belle aventure!
    Amélie

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